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Chapter 3 - Chapitre 3 – Les anges tombent aussi

“Quand t’as cinq ans et que t’as déjà volé pour survivre,

le monde ne te doit plus rien.”

Elian avait cinq ans.

Mais ses yeux ne souriaient plus depuis la mort de sa mère.

Depuis qu’il avait vu son sang couler sur les vêtements encore humides du dernier lavage.

Depuis, il n’attendait plus rien.

Pas d’aide.

Pas de miracle.

Pas même un ballon neuf.

Il volait.

Des mangues, quand c’était la saison.

Des pains rassis, des piles, des sandales en plastique qu’il arrachait aux étals pendant les coupures d’électricité.

Il courait vite. Trop vite pour qu’on le rattrape.

Un fantôme, disaient les marchands.

Un gosse qui glisse entre les mains comme du vent.

Et parfois, quand il ne volait pas pour lui, il le faisait pour d’autres.

Des adolescents aux bras maigres et aux regards durs.

Des hommes à motos, silencieux, qui rôdaient autour des terrains vagues.

Il livrait des sacs. Il portait des messages.

On lui donnait un bout de pain, une cannette vide remplie d’eau trouble.

Mais un soir…

Quelqu’un lui proposa autre chose.

“Tu veux un vrai travail, petit ?”

L’homme avait les dents dorées, une cicatrice sous l’œil, et des chaussures brillantes comme du pétrole.

Il parlait lentement, mais chaque mot tombait comme une promesse empoisonnée.

“T’es rapide. Malin. Et t’as pas peur. Tu pourrais être utile.”

Elian ne répondit pas. Il serra son ballon contre lui, le seul truc qu’il n’avait jamais laissé personne lui prendre.

“Pas besoin de répondre. On viendra te chercher demain.”

Le lendemain matin, deux hommes l’attendaient.

Il monta dans la voiture sans poser de question.

Pas parce qu’il voulait.

Mais parce qu’il n’avait plus rien à perdre.

Ils l’emmenèrent dans une maison vide, au bout d’une route mangée par les herbes.

Ils lui montrèrent une arme. Un petit pistolet.

“Tu sais ce que c’est ?”

Elian hocha la tête.

“Tu peux appuyer là. Juste là. Et paf. Plus de problème.”

“On veut juste que tu sois là. Que tu observes. Puis, un jour, que tu tires.”

Il avait cinq ans.

Et déjà, on voulait lui apprendre à tuer.

Mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que dans son cœur, il y avait une autre arme.

Plus forte. Plus brillante.

Un feu.

Il s’est échappé cette nuit-là.

Il a attendu que les hommes dorment, que les grillons couvrent ses pas.

Et il a couru. Pieds nus. Jusqu’à ce que la boue lui monte aux genoux, jusqu’à ce que ses jambes ne puissent plus avancer.

Il s’est écroulé à côté d’un vieux pneu, le souffle brisé, le ventre vide, les yeux en feu.

Et il a pleuré pour la dernière fois.

À l’aube, il s’est levé.

Et il a recommencé à jouer.

Il n’avait plus rien.

Mais chaque dribble, chaque passe dans le vide, chaque frappe contre un mur effondré, c’était une arme contre ce monde qui voulait le transformer en tueur.

Il avait fait un vœu.

Pas pour tuer.

Pour jouer.

Pour que le ballon devienne sa révolte.

Pour que son pied gauche parle plus fort qu’un revolver.

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