Chapitre 10 – Les éclats du soupçon
Le lendemain matin, Camille arrive au bureau un peu plus tôt que d'habitude. Elle n'avait pas beaucoup dormi. Les pensées tournaient en boucle dans sa tête : le comportement étrange d'Adrian, les absences injustifiées, les excuses bancaires, et cette intuition sourde qui ne cessait de la tourmenter.
Au travail, l'ambiance était habituelle, les collègues circulaient entre les bureaux, un café à la main, saluant le dérangement de ceux qu'ils croisaient. Camille, pourtant, avait l'impression de traverser un brouillard épais. Tout lui paraissait flou, étouffé par le poids de ses inquiétudes.
Dans l'open space, elle croisa Maya, sa collègue du service marketing. Elles ne travaillaient pas dans la même équipe, ne partageaient pas les mêmes pauses, et ne se parlaient qu'à de rares occasions. Pourtant, en passant près de son bureau, Camille ralentit le pas, hésitante. Elle observe la jeune femme quelques secondes : Maya était penchée sur son écran, concentrée. Une mèche de cheveux lui barrait le devant, et elle pianotait distraitement sur son clavier.
Un frisson traverse Camille. Elle se saisit intérieurement et reprend sa marche. Elle ne devait pas se laisser emporter par ses soupçons, surtout pas au travail.
Mais, plus tard dans la journée, en allant récupérer des documents dans l'imprimante commune, elle tomba sur Maya qui était déjà là. Le hasard, ou peut-être quelque chose de plus profond, place les deux femmes face à face. Camille esquissa un sourire poli.
— Salut Maya.
— Salut Camille, répondu-elle, un peu surprise.
Le silence qui suivit fut lourd, un peu gênant. Camille baissa les yeux sur les feuilles que Maya venait de récupérer. Elle n'eut pas le temps de les lire, bien sûr, mais son regard s'attarda sur une ligne où figurait le prénom d'Adrian. Une coïncidence ?
Camille se meurt la lèvre.
— Tu travailles sur le dossier de la fondation Darval ? demanda-t-elle, tentant de paraître neutre.
— Oui, répondit Maya avec une hésitation à peine perceptible. On a reçu une demande de partenariat hier.
— Ah… intéressant, murmura Camille. Adrian travaille parfois avec eux.
— Je sais, dit Maya, puis elle semble se rendre compte de ce qu'elle venait de dire. Enfin, je crois. C'est un nom que j'ai entendu.
Le silence s'épaissit. Camille sentit sa gorge se nouer. C'était peut-être rien. Peut-être une simple coïncidence. Mais elle sentit que quelque chose clochait.
De retour à son bureau, elle ne parvint plus à se concentrer. Son cœur battait trop vite. L'image d'Adrian et Maya ensemble, en dehors de ces murs, s'impose à son esprit. L'idée la rendait malade.
Le soir, en rentrant chez elle, elle retrouva Adrian installé sur le canapé, une bière à la main, l'air détendu.
— Ta journée s'est bien passée ? exigea-t-il en souriant.
Camille le regarda longuement. Elle avait envie de hurler, de le confronter. Mais elle se retint. Elle avait besoin de preuves, pas de soupçons.
— Oui, répond-elle finalement. Et toi ?
— Tranquille. Réunions, un peu de paperasse. Rien de fou.
Encore un mensonge ? Camille hocha la tête et alla dans la cuisine. Elle devait rester lucide, réfléchir. Elle ne pouvait pas accuser sans certitudes.
Plus tard, dans la salle de bains, elle regarda son reflet. Ses yeux trahissaient la fatigue, l'angoisse. Mais au fond de ce regard brisé, une flamme venait de naître. Une flamme de détermination.
Elle ne laisserait pas son intuition s'éteindre. Elle allait creuser, observatrice, chercher les failles.
Quelqu'un a choisi lui disait que la vérité était déjà là, juste derrière cette porte fermée.
À suivre...